DominHistorique
Clémentine, ma tante : PRIX de CUISINE à l'Expo Universelle de Montréal en 1967 (5.07.1920-14.08.2016)
Clémentine Barnabé 1920 – 2016 * Epouse de Pierre Gamet
Depuis LE BREUIL le 5 juillet 1920... QUEL PARCOURS : Servilly, Lapalisse, Le Moulin Marin, Coussergues, Rodez, Palmas, Coaticook, Saint-Théodore d'Acton, Acton Vale. 9 ENFANTS, des petits-enfants et arrières petits-enfants. DES RENCONTRES et CONNAISSANCES : le chanteur José TODARO, un patron, Claude ROWE des Ets GRUMBAR, un autre Louis GATTEFOSSE (inventeur de l'aromathérapie), et bien d'autres encore... LE COURAGE de L'EXPATRIATION.
95 ANS D'UNE VIE RICHE EN EVENEMENTS.
JE SOUHAITE UN TRES BON ANNIVERSAIRE à MA TANTE ADOREE auprès de Jean-Pierre, Gilles, Didier, Bruno, Joëlle, Pascal (et leurs familles respectives) et une pensée pour Yves, Mireille, Patrice et Pierre.
Voici un extrait du Journal "Perspectives" paru à la mi-temps de sa vie, il y a 48 ans.
De France à Saint-Théodore d’Acton
NOUVELLE PATRIE CONQUISE
A BOUT DE BRAS
UNE FAMILLE DE NEUF ENFANTS qui exploite sur une ferme un élevage de pondeuses : c’était, il n’y a pas si longtemps, une image typique de la famille canadienne-française. Ce tableau s’estompe, comme s’amenuisent les grosses familles et la vie rurale. Et voilà que des immigrants français, comme la famille Gamet de Saint-Théodore d’Acton, entreprennent à leur tour cette vie difficile qui était presque la seule voie possible pour nos ancêtres défricheurs.
Peut-être n’y a-t-il pas d’autre choix, non plus, pour ceux qui ne parviennent pas à pratiquer ici le métier qui les faisait vivre dans leur pays natal. Pourtant, ils savent fort bien que les petites exploitations agricoles ne peuvent survivre, qu’il faut voir grand, mécaniser et surtout travailler, travailler d’arrache-pied, du matin au soir, si on veut s’assurer une existence convenable sur une ferme. C’est maintenant le lot des Gamet. Travailler, ils connaissent ça. Et des conditions de vie pénibles, ça ne leur fait pas peur. Ils en ont vu d’autres avec la guerre, l’occupation, la captivité. « Tant qu’on a deux bras… », ont-ils coutume de dire. Ils nous trouvent gâtés, nous d’Amérique, avec nos semaines de quarante heures, nos voitures neuves. Ils n’en demandent pas tant.
Et pourtant nous sommes tellement méfiants quand nous voyons arriver les immigrants avec leur petit bagage et leur volonté de se refaire une vie ! Leur laissons-nous le choix de faire autre chose que de s’endetter jusqu’au cou, de tout risquer ? Ne parions-nous pas qu’ils se casseront les reins, comme tant d’autres ?
Pierre Gamet était en France technicien en meunerie et déjà père de huit enfants. C’est dire qu’il n’a pas pris à la légère la décision de s’expatrier. Les autorités consultées lui avaient affirmé qu’il trouverait aisément à pratiquer son métier au Canada. La réalité a été décevante. Tout ce qu’il a pu dénicher, avant d’entreprendre son élevage de poules, c’et du travail de manœuvre.
C’est par le biais du dernier Salon de l’agriculture que Perspectives A CONNU LES Gamet. Mme Gamet était l’une des trois finalistes au concours d’art culinaire du Salon. Nous avons voulu connaître de plus près cette Française établie au Canada avec une famille digne de nos grands-mères. C’est donc encombrée d’une journaliste, en plus du téléviseur couleur gagné grâce à son pâté de poulet, que Mme Gamet est rentrée à la maison. Elle n’y était pas sitôt arrivée qu’en bonne Française elle enfilait la blouse bleue de la ménagère et s’affairait déjà au repas de famille.
Après onze ans de vie canadienne, les Gamet gardent bon nombre de caractéristiques de la famille européenne. Avec eux pas d’hésitation sur le rôle des parents et celui des enfants. L’autorité revient aux premiers, avec les responsabilités, le respect, l’obéissance, c’est le lot des enfants. Même si les aînés le font parfois avec un sourire en coin –à l’intention des témoins canadiens moins bien stylés-, ils répondent automatiquement aux ordres des parents.
Ce qu’entreprend M Gamet, avec son poulailler et les deux fermes qu’il vient d’acheter en vue de la culture de céréales, il ne peut le faire qu’en sachant pouvoir compter sur ses enfants. Dans nos campagnes, les parents sont de moins en moins certains que leurs fils leur succéderont sur le bien paternel. Mais les familles européennes ont plus que nous le sens de la tradition, de la continuité.
Les trois aînés, Yves, Jean-Pierre et Gilles, âgés de 20 à 23 ans, travaillent et vivent à Montréal. Didier, 19 ans, et Bruno, 16 ans, assistent le père sur la ferme. Joëlle, 17 ans, aide sa mère à tenir maison et à classifier les œufs. Même les trois écoliers, Mireille, Patrice et Pascal, sont fréquemment appelés à rendre service.
Une famille débordante d’énergie, à qui ne viendrait pas l’idée de réclamer l’assistance sociale : « Tant qu’on a deux bras… » Une famille qui, dans ses plus noirs moments, il y a peu d’années, refusait fièrement tout panier de Noël. Il faut dire que celui qui l’offrait était le même qui avait honteusement abusé de la confiance de Pierre Gamet comme de celle de plusieurs autres immigrants, et qui s’était assuré, en les faisant travailler loin dans les bois, une main-d’œuvre exceptionnelle à cinq dollars par semaine.
De même pour les écoles catholiques rurales qui ont mal reçu, il y a dix ans, ces « maudits petits Français » qui n’avaient pas appris le catéchisme de la même façon que les autres enfants, bien qu’ils aient fréquenté l’école des Frères en France. Pour les avoir placés dans une école protestante, Pierre Gamet a dû comparaître en cour, sous l’accusation d’avoir « posé des actes tendant à encourager la délinquance juvénile chez ses propres enfants ». Heureusement, le juge n’en était plus au temps de l’Inquisition et a trouvé normal qu’un père de famille décide de l’orientation scolaire de ses enfants.
Cette aventure a laissé à M Gamet peu de respect pour nos écoles. Il n’y envoie ses enfants que le temps qu’il faut et compté davantage sur le foyer pour les nourrir intellectuellement, et surtout sur leur tempérament débrouillard pour qu’ils se tirent d’affaire dans la vie. Les trois aînés ont de bonnes situations et suivent des cours dès qu’ils ont besoin d’acquérir des connaissances spéciales utiles à leur travail.
Par contre, les Gamet se sont habitués aux manières du pays et des gens, et comptent bien s’implanter solidement ici. Pour les cadets, la France n’est qu’une abstraction ; pour les aînés, un pays où passer d’agréables vacances. Pas plus que leurs enfants, les parents n’ont la nostalgie d’un pays quitté dans le marasme d’après-guerre et où ils n’ont rien retrouvé de familier quand ils sont retournés voir la parenté. Ils sont tout à fait Canadiens maintenant. S’ils pouvaient raccourcir l’hiver d’un mois à chaque bout, ils trouveraient les saisons mieux équilibrées. Le climat leur semble quand même plus sain que celui de certaines régions de France où ils ont vécu. Et depuis qu’ils peuvent habiter la campagne, ils sont beaucoup plus heureux. Mme Gamet, en particulier, ne peut supporter l’atmosphère des villes. Cela a compliqué leurs premières démarches pour se créer une nouvelle vie en terre d’Amérique.
A leur arrivée à Montréal, leur seul lien entre le pays qu’ils quittaient et celui qu’ils voulaient adopter fut un Frère enseignant qui, à la demande d’un confrère français, était venu les attendre au bateau. Mère et enfants casés tant bien que mal dans un garni du centre de la métropole, -se nourrissant une fois par jour au restaurent-, le père partit à la recherche de ce qu’on lui avait décrit, aux bureaux de l’immigration, comme la simplicité même : une entreprise où exercer son métier. Il dut déchanter assez vite et accepter un poste de machiniste à Radio-Canada par l’entremise d’un voisin de table au restaurant. Après avoir installé sa famille à Sainte-Julie de Verchères, il s’aperçut, une fois le mobilier acheté, que l’horaire des autobus ne concordait pas avec celui de son travail.
Nouvel aménagement, cette fois dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce où les enfants sont bien acceptés à l’école mais où Mme Gamet étouffe.
C’est à ce moment que se présente le personnage cité plus haut, qui offre à Gamet du « travail de plein air » et une maison de ferme pour sa famille, avec « grand jardin ». Il y avait en effet un grand jardin et Mme Gamet sut en tirer parti pour nourrir sa famille.
Pour sortir du marasme, M. Gamet travaille en usine puis revient à son emploi de machiniste. La famille se réinstalle à Montréal, et la mère prend son mal en patience, aussi longtemps qu’elle peut tenir. Elle finit par s’établir à Saint-Théodore avec les enfants pendant que, dans la métropole, le mari et le fils aîné, puis le deuxième, puis le troisième continuent d’assurer la subsistance de la famille. Un neuvième enfant est né dans l’intervalle.
Cette existence anormale a duré quatre ans. Pierre Gamet a maintenant rejoint les siens en permanence, pour tenter de faire mieux prospérer l’exploitation avicole. Malheureusement, la politique actuelle restreint la production des œufs afin de prévenir la baisse des prix. Aussi les Gamet ont-ils décidé de se lancer dans la grande culture. Les fermes abandonnées ne manquent pas et, avec l’aide du prêt agricole, il a été possible d’en acheter deux dans un rang des environs.
Les voisins semblent voir la tentative d’un bon œil. Les gens de Saint-Théodore trouvent les Gamet peu « voisinants » mais les ont bien accueillis et apprécient leur vie besogneuse et discrète. Pendant la visite de Perspectives à la vieille maison du cinquième rang, le secrétaire-trésorier de l’U.C.C. est venu s’informer de la participation de Mme Gamet au salon de l’agriculture. Puis les deux fermiers ont causé de ce qui les intéressait le plus au Salon : machines, bêtes, conférences.
On peut toujours apprendre quand on garde l’esprit ouvert. Or, il faut un esprit éveillé et beaucoup d’énergie pour établir une famille nombreuse sur une ferme, ces années-ci, quand on repart à zéro.
Mme Gamet compte beaucoup sur son jardin pour nourrir les siens. Elle y fait pousser des légumes qu’on n’avait jamais vus à Saint-Théodore mais dont un Français ne saurait se passer. Comment faire un pot-au-feu sans poireaux ? Tout ce qui n’est pas consommé pendant la belle saison prend le chemin du congélateur. Appareil précieux pour beaucoup de raisons : on peut y conserver une grande quantité de pain français et le bœuf et le porc, qu’un boucher voisin débite à bon compte.
Dans un autre secteur du budget familial, Mme Gamet réalise des économies appréciables, grâce à une couturière du rang d’à côté qui, elle, s’approvisionne en coupons de tissu chez une autre voisine. Même si on ne se fréquente pas plus qu’il faut, les voisins, parfois, c’est bien utile !
Nous qui venions de la ville profiter de l’hospitalité toute française d’une ferme d’Acton, nous nous promettons de revenir nous promener dans le petit bois dont les Gamet sont si fiers, et goûter du fameux pâté de poulet dont se sont régalés à notre nez, au Salon, Jean Rafa et les autres juges du concours. Nous nous en pourléchons d’avance les babines.
Perspectives – 29 juillet 1967
FERNAND POINT : un géant de la gastronomie
Fernand POINT (25 février 1897 à LOUHANS - 4 mars 1955 à VIENNE).
Premier chef avec 22 autres à obtenir *** en 1933 au Guide Michelin.
Un géant de la gastronomie, mais aussi 1,92 m, 165 kg, 169 cm de tour de taille, surnommé le "magnum" car il a l'habitude de boire un magnum de champagne par jour.
Il est le fils d'Auguste Point, hôtelier restaurateur au Buffet de la Gare de Louhans, où sa mère et sa grand-mère sont cuisinières.
Fernand fait son apprentissage en famille avant de travailler au célèbre restaurant Foyot de Paris, puis à l'hôtel Le Bristol de Paris, au Majestic à Cannes, et enfin à l'hôtel Royal d'Evian-les-Bains en Haute-Savoie.
...à suivre...